Tarot de Budapest
Le tarot de Budapest est une reconstruction basée sur plusieurs exemplaires de 3 feuilles distinctes de cartes non-coupées conservées au Szépmuvészeti Múzeum (Musée de Beaux-Arts) à Budapest, au Metropolitan Museum of Art à New York et The Cary Collection of Playing Cards de la Bibliothèque de l’Université de Yale Beinecke Rare Book and Manuscript Library of Yale University. Ces feuilles sont des xylogravures colorées au pochoir dont l’origine serait Ferrare ou Venise, datée fin du XVème siècle. Les feuilles composant ce “Tarot de Budapest” ont la particularité de nous présenter ce qui est probablement l’exemple le plus ancien de la série complète des 22 atouts d’un tarot imprimé.
Les originaux et leurs lieux de conservation :
Le Szépmuvészeti Múzeum conserve 20 fragments de feuilles de cartes imprimées issues de jeux différents mais proches et datant du XVIè siècle ou de la fin du XVè en Italie du Nord. Ces exemples de cartes anciennes nous sont parvenues sous la forme de feuilles de cartes non-coupées, vraisemblablement découvertes dans des couvertures de livres. En effet, les impressions présentant trop de défaut étaient recyclées en matière première, découpées au format et collées ensemble pour fabriquer les cartons forts des reliures. On peut encore voir les résidus de collage et la mutilation des feuilles fait effectivement référence à ces découpes.
Ces feuilles fragmentaires se complètent en général assez bien pour rendre les images d’ensemble des 9 moules en bois gravés ayant servi à les produire. Plusieurs feuilles différentes peuvent être rapprochées entre elles, de par leur format, leur style et les suites de cartes qui y fugurent, formant ainsi 4 jeux, dont un Tarot.
Les feuilles étaient toutes conservées au Magyar Nemzeti Múzeum (Musée national hongrois) qui mit quelques doublons de ses feuilles aux enchères aquises par le Metropolitan Museum en 1922. Comme en témoigne un article écrit par Melbert B. Cary, jr en 1939, la descrition à l’époque de cette vente les datait du XVè siècle avec une origine vénitienne.
Les feuilles du MET sont cataloguées comme suit 26.101.4 et 31.54.159 qui présentent ensemble 11 cartes presque entières et 7 fragments de cartes et 26.101.5 avec 8 cartes et 13 fragments.
En ligne : 26.101.5 : http://www.metmuseum.org/art/collection/search/385140
Celles du Szépmuvészeti Múzeum avec leur lien direct en ligne :
Feuille 1 :
5044 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/5044
5062 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/5062
5063 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/5063
46781 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/46781
46782 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/46782
Feuille 2 :
5045 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/5045
5046 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/5046
46778 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/46778
Feuille 3
5047 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/5047
5048 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/5048
46783 : http://www.printsanddrawings.hu/search/prints/46783
Il est intéressant de signaler qu’un pochoir qui aurait dû servir à la mise en couleur du jaune, fait partie de la collection de cartes à jouer de l’Université de Yale à New Heaven, Connecticut. Il correspond à la feuille contenant les séries numérales des batons et des épées, avec leurs 2 as, respectivement un léopard et un lion. Ne portant pas de traces de couleur visibles, j’en déduit qu’elle fut probablement écartée pour de semblables raisons. Une reproduction est visible dans l’encyclopédie du tarot de Kaplan (vol 2) p 282.
D’autres fragments se trouvent dans des collections particulières. L’une d’elle cependant à la particularité d’être imprimée en miroir, phénomène qu’on connait déjà avec la feuille d’atouts Rosenwald.
Ces feuilles sont parfois appelées “Dick”. Harris Brisbane Dick fit don au Metropolitan Museum of Art d’une formidable collection d’oeuvres d’art. Harris Brisbane Dick Fund, 1926
De ce tarot, on peut supposer que 3 feuilles sur 4 on été retrouvées. L’ensemble est donc complet, à l’exception des coupes et des denier allants de l’Az au 10, soit 58 cartes sur 78. Sachant que chaque feuille comporte 20 cartes et qu’une des feuilles présente l’espace de 2 cartes en épargne, le compte est le compte “(4×20)-2” donne bien le nombre de cartes d’un tarot.
Descrition des 3 feuilles :
Voici ce qu’on peut voir sur les 3 feuilles composées de 4 rangs de 5 cartes :
Feuille 1 :
R1 – Roi d’épées – Roi de coupes – Roi de deniers – Roi de batons – Valet d’épées
R2 – Valet de coupes – Cavalier d’épées – Cavalier de coupes – Cavalier de deniers – Cavalier de batons
R3 – Chariot – XV Tour – X Roue de fortune – XIII – XIIII Diable
R4 – IIII Empereur – V Pape – II Impératrice – III Papesse – () Mat
Feuilles 2 :
R1 – VIIII Force – I Bateleur – Valet de deniers (personnage féminin) – Valet de batons – Reine de coupes
R2 – Reine de deniers – Reine de batons – Reine d’épées – XI Ermite – XII Pendu
R3 – XV III Soleil – XVIIII Jugement – XX Justice – () Monde – XVII Lune
R4 – …. – …. (2 emplacements vides sur le moule) – VIII Amoureux – VI Temperance – XVI Etoile
Feuille 3 :
R1 – 6 de batons – 5 de batons – 4 de batons – 3 de batons – Az de batons (Léopard)
R2 – 7 de batons – 8 de batons – 2 de batons – 9 de batons – 10 de batons
R3 – 5 d’épées – 4 d’épées – 3 d’épées – 2 d’épées – Az d’épées (Lion)
R4 – 6 d’épées – 7 d’épées – 8 d’épées – 9 d’épées – 10 d’épées
Il semble évident qu’une dernière feuille structurée pareillement à la feuille 3 venait compléter ce tarot.
L’Ordre des Atouts :
() Mat – I Bateleur – II Impératrice – III Papesse – IIII Empereur – V Pape – VI Temperance – VII Chariot – VIII Amoureux – VIIII Force – X Roue de fortune – XI Ermite – XII Pendu – XIII – XIIII Diable – XV Tour – XVI Etoile – XVII Lune – XV III Soleil – XVIIII Jugement – XX Justice – () Monde
Le placement du Monde en haut suivi de la justice en XX puis du Jugement fait référence à l’ordre du “Type B” établi par Dummett et indique donc une origine ferrarèse (vénicienne?).
Ce tarot est donc d’autant plus précieux qu’il constitue pratiquement l’unique trace physique de cette tradition qui disparait aux alentours de 1600.