A propos des feuilles Rosenwald d’un tarot non-coupées

Les 3 feuilles non coupées de la collection Rosenwald – National Gallery of Art de
Washington D.C. (1951.16.5 -1951.16.6- 1951.16.7)

Les documents et leurs lieux de conservation :

De cet ensemble de 3 feuilles de cartes non-coupées se dégagent 2 groupes bien distincts:

Le premier Groupe 1951.16.7

La première feuille montre un ensemble quasiment complet des atouts d’un jeu de tarot, seul le fou est manquant. 3 reines précèdent la série. Cette feuille semble imprimée à l’envers Il faut savoir qu’une autre version de cette même feuille est conservée en Allemagne au Deutsches Spielkartenmuseum et elle est par contre dans le bon sens.
Une fois remise à l’endroit, les cartes réparties en 3 bandes de 8 cartes sur le moule, pourraient bien se succéder dans l’ordre.

Elles se lisent donc comme suit de gauche à droite puis, de bas en haut :

Reine de coupe – Reine d’épée – Reine de denier – (I) Bateleur – (II) Papesse – (III) Impératrice – (IIII) Empereur – (V) Pape / (Rangée du bas)

(VI) Amoureux – (VII) Tempérance – (VIII) Justice – (VIII) Force – (X) Chariot – (XII) Ermite – Pendu – Roue de fortune / (Au centre)

Mort – Diable – Maison dieu – Etoile -Lune – Soleil – Monde – Jugement / (Rangée du haut)

Les chiffres placés entre parenthèses sont visibles sur les cartes, les autres n’en ont pas.

Le second groupe 1951.16.5 -1951.16.6

Le 2 feuilles suivantes pourraient former un jeu complet de 48 cartes comparable aux 4 bandes basses d’un jeu de tarot dont on aurait enlevé les reines et les 10. La différence de style tant dans le raffinement que dans la représentation des coupes, épées et deniers est pour le moins évidente. De plus, plusieurs jeux complets de 48
cartes, dont un extrêmement proche graphiquement coloré et avec dos collés, sont connus des spécialistes.

Je ne détaillerai pas davantage ces 2 feuilles qui feront l’objet d’un développement ultérieur et d’un futur projet.

Origine et datation :

Etant au courant de l’existence d’une seconde version de la feuille des atouts, je me suis adressé au Deutsches Spielkartenmuseum qui m’a très aimablement fait parvenir
une photographie de leur exemplaire répertorié Inv.Nr. B 1006. Le Dr Annette Köger, conservateur du musée, attiré mon attention sur le fait qu’un autre document, une page de livre, lui était associé.

A cette période, les papiers écartés n’étaient pas jetés mais recyclés en matière première, notamment pour la fabrication de couvertures de livres. Lors de la restauration de certains livres, il arrive ainsi que des documents très anciens soient découverts. Le fait que ces feuilles soient associées peut constitue un indice important pour une datation et/ou une localisation géographique.

Par chance, cette page provient d’un livre rédigé en latin : le “Consiliorum, sive responsorum D. Petri Philippi Cornei patricii perusini, pontificii, caesareique iuris consultissimi” de Pier Filippo Corneo. Ayant été publié à une douzaine de reprises il fallait donc identifier l’édition.
Cette information a récemment été publiée sur le forum tarot History dont vous pouvez consulter le fil et l’évolution des recherches ici :

http://forum.tarothistory.com/viewtopic.php?f=11&t=1105&p=17038&hilit=rosenwald

La même édition de ce livre est conservé à Pérouse, à la Bibliothèque communale Augusta (I B 399). Nous pouvons donc attribuer à notre feuille la date d’impression la plus tardive de 1501-02 et dire qu’elle aurait été vraisemblablement imprimée à Pérouse.

Le texte écrit par Franco Pratesi, avec la contribution de Thierry Depaulis, développe clairement les questions de datation et d’origine. Vous trouverez ici un lien direct vers le texte en version originale italienne : http://www.naibi.net/a/601-UMBRIA-Z.pdf
et une traduction anglaise : http://pratesitranslations.blogspot.be/2017/02/jan-5-2017-1501-1521-cards-from-perugia.html

Au sujet de l’ordre des atouts

Les 2 dernières cartes de notre série, les plus hautes, sont le monde puis le jugement. Ce qui indique que notre jeu suit l’ordre A, propre à la tradition Florentine. On note
également une importante similitude avec un jeu de Minchiate sans les cartes additionnelles.

La feuille d’atouts de la collection Rosenwald est un document précieux concernant l’origine des tarots imprimés, qui conserve une part de mystère. Il y a de nombreuses théories qui tournent autour de l’ensemble d’un hypothétique jeu complet dont feraient partie les 3 feuilles de la même collection ; malgré tout, je pense que des différences très marquées entre les groupes 1 & 2 invitent à la prudence lorsqu’il s’agit d’analyser et de tirer des conclusions. Mais que rien ne nous empêche de les faire revivre au sein d’une nouvelle formule poétique.

Références :

Thierry Depaulis, Tarot, jeu et magie, Paris, Bibliothèque Nationale, 1984. Livre en ligne, en français : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6532698n.r.
n° 27 (“Trois feuilles de la collection Rosenwald”, “Florence (?), Italie, début du XVIe s.”).

Thierry Depaulis, Le Tarot révélé : une histoire du tarot d’après les documents, La Tour-de-Peilz : Musée Suisse du Jeu, 2013. (p. 30-32).

Lien direct vers les documents images en ligne :

Le premier Groupe 1951.16.7

Le second groupe 1951.16.5 -1951.16.6

          

“Merci à Thierry Depaulis pour le relecture du présent article et pour ses précieux conseils.”

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